Musée de la Vie wallonne

Musée de la Vie wallonneMusée de la Vie wallonneMusée de la Vie wallonneMusée de la Vie wallonne

Focus

Sauvegarder un témoin des « Années folles »

Robe de mousseline et crêpe de soie brodée de perles et garnie de satin et de dentelle, Verviers, 1925-1930

Les "garçonnes" débarquent...

C'est à nouveau une magnifique restauration que le Musée de la Vie wallonne a pu réaliser grâce à la contribution du Fonds David Constant dédié au patrimoine liégeois et géré par la Fondation Roi Baudouin.

Il était indispensable de restaurer cette robe de la seconde moitié des années 1920 afin de préserver ce témoin d'une époque peu représentée dans nos collections de textile.

Cette robe en mousseline et crêpe de soie noire a été confectionnée par Berthe Detaille, une couturière de Verviers. Elle est richement brodée de perles de verre qui forment un plastron à bord dentelé sur le devant du corsage. L'encolure bordée de dentelle au fuseau blanche, les poignets, ainsi que les coutures des manches et de la jupe sont également brodés de perles. Un nœud plat de satin bordé de perles et orné de deux bâtonnets de jais décore le décolleté en « V » entouré de satin.

La jupe en double épaisseur de mousseline et crêpe est garnie de plis plats et de petits plis superposés sous la taille et dans le bas.

La riche ornementation de ce vêtement féminin, sa transparence et la taille basse nous confirment bien qu'il appartient à ce que l'on a, à juste titre, appelé les années folles.

Car c'est bien une frénésie proche de ce que l'on considérait alors comme de la folie qui s'empare de la gent féminine au lendemain de la première guerre mondiale. Il faut dire que ce conflit communément appelé « guerre 14-18 » va profondément bouleverser les conditions de vie. Ces dames qui menaient parfois une existence oisive et entourée de domestiques vont devoir se retrousser les manches, ou plutôt les jupes, afin de faire face à l'absence des hommes envoyés sur le front. Elles se retrouvent employées dans les usines et les hôpitaux. Si bien qu'ayant goûté à la débrouillardise, celles qui passaient autrefois de l'autorité d'un père à celle d'un mari revendiquent leur indépendance.

Il n'est donc plus question de contraintes vestimentaires. Adieu jupons, tournures, corsets et jupes longues qui entravent la marche. Il leur faut une mode adaptée à la vie active.

Shocking ! La femme ose désormais montrer ses jambes en portant une robe raccourcie sous le genou. Elle se coupe les cheveux, escamote autant que possible sa poitrine et adopte une silhouette rectiligne en portant des robes dont la taille est descendue là où le corps est le plus large, sur les hanches. Paradoxalement, cette allure androgyne ne lui fait pas renoncer aux artifices de la séduction. Broderies, perles, lamés, fourrures et plumes d'autruche parent cette contradictoire « garçonne » lors de ses sorties nocturnes. Après une longue période de privation et de deuil, c'est l'euphorie et l'envie de faire la fête qui règnent.

Malheureusement, ces magnifiques robes richement décorées que porte la femme des années 1920 ont du mal à traverser les siècles. La légèreté des matières associées au poids des perles dont elles sont couvertes les rendent très fragiles. Les fils maintenant les perles cassent, les tissus se déchirent. Contrairement à d'autres robes de ce type présentes dans nos collections, celle-ci était en relativement bon état.

La restauration en a été exécutée par Joke Vandermeesch, dont l'atelier se situe à Kessel-Lo. Elle a mis en évidence l'ajout postérieur à la réalisation d'une doublure partielle sous le corsage de la robe, probablement destinée à masquer la transparence qui était pourtant courante à l'époque. En effet, ce type de robe se portait sur une lingerie couleur chair suggérant le corps nu. Celle-ci a donc été démontée afin de rendre à la robe son aspect d'origine.

Elle également a permis de consolider les fils qui maintenaient l'ensemble des perles en place dont beaucoup étaient tombées.

Les déchirures, occasionnées notamment à l'encolure et au bord des poignets par le poids des perles et la fragilité des matières, ont été réparées en doublant les zones affaiblies par un tissu de support. Pour ce faire, le galon de dentelle bordant l'encolure a été démonté, puis nettoyé avant d'être remis en place.

Grâce à ce minutieux travail de restauration (près de 70h), cette très belle toilette peut à nouveau être exposée. Elle est visible dans l'espace consacré à la mode, au sein du parcours permanent de notre musée. Vous pouvez également la découvrir sur notre catalogue en ligne : http://collections.viewallonne.be?queryid=a85404e3-b3b7-4a97-911c-ad6dc220d297

Bénédicte Lamine, Collaboratrice au département Objets-Réserves (textile)

Légendes des illustrations :

1. Robe de mousseline et crêpe de soie brodée de perles et garnie de satin et de dentelle, Verviers, 1925-1930.

2. Détail de la manche brodée de lignes de perles.

3. Détail de la taille ornée de découpes et de petits plis.

4. Détail du plastron dentelé brodé de perles ornant le devant du corsage.

5. Démontage de la doublure du corsage, celle-ci étant un ajout postérieur à la réalisation de la robe.

6. et 7. Dégradation de la mousseline de soie et réparation par doublage à l'aide de mousseline noire.

8. Sous l'effet de l'humidité, les fils supportant les perles se sont décolorés et sont devenus cassants.

9. La dentelle bordant l'encolure a été démontée et nettoyée.

10. Déchirure du bord de l'encolure sous le poids des perles.

11. Encolure reconstituée après réparation, consolidation des fils supportant les perles et remise en place de la dentelle.

12. et 13. Dégradation du satin bordant la manche et consolidation par doublage à l'aide d'une soie légère.

14. Bord de la manche, brodé de perles, reconstitué.

15. Plastron brodé de perles et garni d'un nœud après la consolidation des fils en les doublant d'un nouveau fil et le réenfilage des perles.

1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
8.
9.
10.
11.
12.
13.
14.
15.


Tous les focus