Musée de la Vie wallonne

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Focus

Un centenaire discret : le Parti Communiste de Belgique

Affiche électorale pour le scrutin législatif de 1974

La naissance du Parti Communiste de Belgique (P.C.B.) remonte aux trois et quatre septembre 1921.

Après l'Armistice de 1918, le Parti Ouvrier Belge (P.O.B.), la grande formation politique sociale-démocrate, est confrontée à un dilemme : doit-il participer au gouvernement dans le cadre d'un régime « bourgeois » ou, au contraire, se cantonner dans l'opposition pour mieux défendre la classe ouvrière. La majorité des membres du parti − et surtout sa direction − optent pour la première voie mais une minorité agissante s'oppose avec vigueur au « ministérialisme ». Joseph Jacquemotte (1883-1936), secrétaire national du Syndicat des Employés, est à la tête de cette opposition. Pendant trois ans, au sein du P.O.B., la lutte fera rage entre la majorité réformiste et l'aile gauche du parti. L'attitude qu'il convient d'adopter face à la Russie soviétique et le problème de l'adhésion à la deuxième Internationale (sociale-démocrate) ou à la troisième Internationale (communiste) constituent des pierres d'achoppement entre les partisans de la direction et les « jacquemottistes ».

Dès 1919, tout l'appareil dirigeant du P.O.B. fait preuve d'une franche hostilité à l'égard de la révolution bolchévique. Joseph Jacquemotte et ses amis se réunissent dans des groupes intitulés « Amis de l'Exploité », associations constituées en vue de diffuser leur hebdomadaire : L'Exploité. Le 21 juillet 1919, ils se fédèrent au niveau national. D'emblée, ils prennent leurs distances vis-à-vis de la IIe Internationale, qui, selon eux, ne se conforme plus à une doctrine de renversement général du capitalisme.

Outre cette fraction, d'autres groupes communistes s'activent dans le pays. En 1920 des Jeunes Gardes socialistes (J.G.S.) de Bruxelles, fidèles aux options radicales de ce mouvement de jeunesse, enclenchent un processus de séparation vis-à-vis du P.O.B. Parmi eux, une personnalité se détache War Van Overstraeten (1891-1981) qui siégera en 1920 au second Congrès de la IIIème Internationale à Moscou. Les premières cellules naissent à Bruxelles mais aussi dans certains centres industriels (comme à Verviers, Seraing ou Gand).

Naissance du Parti Communiste de Belgique

Le P.C.B. va naître de ces deux mouvances : l'aile gauche du P.O.B. emmenée par Jacquemotte et certains noyaux des J.G.S., associés au premiers groupes communistes fédérés par Van Overstraeten. En décembre 1920, le P.O.B. tient un congrès de discipline qui exclut les « Amis de l'Exploité ». Le 29 mai 1921, ceux-ci décident de se constituer en Parti Communiste de Belgique. Malgré certaines divergences de vue, ils seront finalement rejoints par les hommes de Van Overstraeten.

Sur le plan organique, le P.C.B fonctionne selon un schéma pyramidal où le caractère hiérarchique tient un rôle important. À la base de l'édifice, on trouve les cellules de quartier et les cellules d'entreprise qui ne regroupent parfois qu'une dizaine de membres. Au sommet, le pouvoir exécutif est exercé par le Bureau du parti qui compte une dizaine de membres. Secondé par le Secrétariat, c'est lui qui décide des lignes directrices qui seront suivies par les échelons inférieurs. Juste en-dessous du Bureau politique, le Comité Central joue également un rôle essentiel dans la définition de la ligne idéologique ; ses membres – des personnalités influentes au sein de l'organisation – sont élus par un Congrès National, sorte d'assemblée élargie qui se réunit d'une manière régulière.

Les premières années d'existence sont des années de lutte : les effectifs sont réduits et certaines divisions se font jour. En 1928, elles aboutissent à l'exclusion des trotskistes, partisans de la révolution internationale.

Ancrage dans le paysage politique

Dans les années 1930, le P.C.B. va s'ancrer dans le paysage politique belge ; ses résultats électoraux accusent une nette tendance à la hausse (excepté aux élections de 1939 où il faiblit quelque peu). Malgré l'acceptation de l'idée d'un Front populaire à partir de 1935, l'anticommunisme de certains socialistes empêche toute collaboration significative entre le P.C.B. et le P.O.B. Cependant, de nombreux communistes s'affilient individuellement à la Confédération du Travail de Belgique (CGTB), le syndicat socialiste. En octobre 1936, Joseph Jacquemotte décède au moment même où le parti qu'il a fondé confirme sa progression, non seulement en termes de suffrages mais aussi au niveau des effectifs (3.200 membres en 1935 ; 8.500 membres en 1938).

La guerre civile espagnole éclate à cette époque. Des volontaires de tous pays affluent pour rejoindre les Brigades internationales qui combattent aux côtés des Républicains. Des militants communistes belges prennent part à cette lutte contre les troupes franquistes.

Durant la Seconde Guerre mondiale, surtout après la rupture du pacte Molotov-Ribbentrop (1941), les militants communistes entrent dans la clandestinité et mènent une lutte ardente contre l'occupant allemand. Ils s'inscrivent ainsi dans la ligne du combat antifasciste amorcée lors de la guerre d'Espagne. À la libération, le P.C.B. récolte les fruits de son intransigeance ; le nombre de ses adhérents est multiplié par dix (de plus ou moins 10.000 membres en 1940, il passe à près de 100.000 affiliés en 1945).

Devenu incontournable, le P.C.B. obtient des portefeuilles dans les gouvernements d'union nationale et les coalitions de gauche d'après-guerre. Le parti est alors au faite de sa puissance : aux élections de 1946, il récolte 12,68 % des suffrages, obtenant ainsi 23 sièges au Parlement. Tout comme en France ou en Italie, les communistes récoltent les fruits du rôle prépondérant qu'ils ont joué dans la résistance à l'occupant. C'est l'âge d'or du PCB.

Evolution de la ligne idéologique

La Question royale et le début de la Guerre froide radicalisent la ligne idéologique du parti qui s'affirme comme républicain et s'oppose au plan Marshall comme au projet de création d'une Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA).

Le P.C.B. commence alors à perdre du terrain. Aux élections législatives de 1950, il obtient 4,74 % des votes valables. Le 18 août, Julien Lahaut, député de Seraing et président du parti, grande figure de la résistance au nazisme, est assassiné par des tueurs mandatés par le milieu anticommuniste. Le parti qu'il dirigeait est essentiellement wallon et bruxellois. Il réalise ses meilleurs scores dans les cités industrielles des provinces de Hainaut et de Liège ainsi que dans les quartiers populaires de la capitale. À côté du dogme de l'internationalisme ouvrier, les instances communistes s'intéressent au Mouvement wallon qu'ils perçoivent comme une force progressiste opposée au léopoldisme et au Parti social-chrétien, considéré comme inféodé au « grand capital » et soumis aux velléités nationalistes des catholiques flamands.

Déjà en 1938, Julien Lahaut préside la première Conférence des communistes wallons. L'ordre du jour est clair : rejet de la politique de neutralité voulue par Léopold III et son entourage ; nécessité d'une alliance avec la France pour protéger le peuple wallon.

Deux autres élus communistes peuvent être épinglés pour leurs engagements en faveur de leur région. Henri Glineur (Roux 1899-Jumet 1978), ouvrier mineur, ancien Jeune Garde socialiste, est élu député de l'arrondissement de Charleroi en 1932. Anti-rexiste, Glineur est l'auteur d'un rapport intitulé : Sauvons la Wallonie ! Après avoir passé près de trois ans dans les geôles allemandes, il est orateur au Congrès national wallon d'octobre 1945 et se prononce pour le fédéralisme. Jean Terfve (Liège 1907-Bruxelles 1978), docteur en droit de l'Université de Liège, avocat, défend les ouvriers grévistes de 1932 et adhère au P.C.B. l'année suivante. Antifasciste de la première heure, il dirige, pendant l'Occupation, l'Armée belge des Partisans et devient secrétaire national du Front de l'Indépendance. Comme son camarade hennuyer, il participe au Congrès wallon de 1945. Actif durant la grève contre la Loi unique, Jean Terfve rejoint naturellement le Mouvement populaire wallon dès 1961.

Au début des années 1960, le P.C.B. retrouve une certaine vigueur mais il est miné en interne par une dissidence favorable à la Chine maoïste. Dans les décennies suivantes, le nombre de ses militants diminue inexorablement suivant ainsi la chute vertigineuse qu'il connaît de scrutin en scrutin. Il perd ses deux derniers députés aux élections législatives de 1985. Quatre ans plus tard, le parti se scinde et le communisme « historique » s'éteint en Flandre. Devenu « groupusculaire » en Wallonie et à Bruxelles, le parti doit s'allier à d'autres courants d'extrême-gauche pour intégrer des listes aux appellations diverses : « Gauches unies », « PTB-GO ». Désormais, la gauche radicale en Belgique est incarnée par le Parti du travail de Belgique (PTB), fondé en 1978. Mais ceci est une autre histoire…

Fabrice Meurant-Pailhe, responsable du Fonds d'Histoire du Mouvement wallon.

Bibliographie sélective

  • Gotovitch, J., Du rouge au tricolore. Les Communistes belges de 1939 à 1944, Bruxelles, Labor, 1992.
  • Gotovitch, J., Histoire du Parti communiste de Belgique. Courrier hebdomadaire du C.R.I.S.P., 1997, n°1582.
  • Liebman, M., « Les origines et la fondation du Parti Communiste de Belgique », dans Courrier hebdomadaire du C.R.I.S.P., 1963, n°197.
  • Le Parti Communiste de Belgique (1921-1944), actes de la journée d'étude de Bruxelles. 28 avril 1979 ; par le Collectif d'histoire et d'études marxistes, Bruxelles, Fondation Joseph Jacquemotte, 1980.
  • Renard, Cl., Octobre 1917 et le mouvement ouvrier belge, Bruxelles, Editions de la Fondation Joseph Jacquemotte, 1967.

Légendes des illustrations

  1. Défilé socialiste, Liège, 1er mai 1926.
  2. Groupe de Jeunes Gardes socialistes. Liège, 1948.
  3. Henri GLINEUR, Sauvons la Wallonie, 1938.
  4. Affiche communiste appelant à la constitution d'un Front populaire pour contrer le rexisme, 1935-1936.
  5. Epinglette frappée du marteau et de la faucille, vers 1950.
  6. Edgard Lalmand à ta tribune d'un meeting. On reconnaît Julien Lahaut, deuxième à partir de la droite, à la table des orateurs, au Trocadéro, Liège 1948.
  7. Numéro spécial du Drapeau rouge édité à l'occasion du 1er mai 1958
  8. Affiche électorale pour le scrutin législatif de 1974
  9. Affiche électorale pour le scrutin législatif de 1974
  10. Affiche électorale pour le scrutin législatif de 1985
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