Musée de la Vie wallonne

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Focus

La Foire d'Octobre à Liège (Partie 1)

Affiche de la foire de Liège

Un succès qui n'a de cesse de grandir !

Avant de devenir l'événement cher aux cœurs des Liégeois, la Foire d'Octobre a connu quelques mutations. Son emplacement, son contenu et sa période d'ouverture ont varié avec le temps…

« La Foire de Liège constitue depuis un temps immémorial, une réjouissance populaire, non seulement pour les habitants de la ville, mais aussi pour ceux des communes environnantes (…) Le mois de novembre avait été choisi pour la foire aux chevaux, parce que, à cette époque de l'année, les agriculteurs ont plus de loisirs et peuvent conduire au marché, les bestiaux qu'ils ont à vendre » commentait le chroniqueur du Rasoir (journal satirique liégeois, date inconnue)

Des fêtes annonçant des foires

« Avant la fin du XVIIIe siècle, les foires (ducasses, kermesses) doivent être considérées comme une fête où le peuple s'amuse (surtout) avec ses propres jeux traditionnels. […] Lors de certaines fêtes, des marchands ambulants apparaissent. Ils sont attirés par ces localités où une foule se réunit pendant un certain temps pour se livrer à une consommation exceptionnelle, qui dépasse amplement celle de la vie quotidienne.[1] »

Fêtes religieuses et marchés commencent à s'étoffer et drainent un public de plus en plus nombreux. Marchands ambulants, commerçants et artistes se côtoient. Les marchés sont aussi des lieux de rassemblement facilitant les échanges et leur périodicité est hebdomadaire ; contrairement aux foires, manifestations de plus grande envergure et plus ponctuelles. On peut désormais y acheter des produits hors du commun. Les artistes saisissent cette opportunité pour y vendre de « l'amusement ». La future Foire d'Octobre de Liège tiendra davantage de l'évolution des marchés (« Forum ») et évoluera vers des champs de Foire aux divertissements.

L'émergence de la foire aux variétés

Si la foire se distinguait par ses espaces de liberté, son cosmopolitisme, ses innovations liées aux progrès techniques et son aspect festif ; elle restait avant tout une foire commerciale où toute forme de distraction était prépondérante. En effet, dans la seconde moitié du XIXe siècle, ces « Foires aux variétés » accueillent « jongleurs, cracheurs de feu, acrobates, funambules, fiers-à-bras, illusionnistes, mimes, musiciens et chanteurs, danseurs et autres saltimbanques, camelots, vendeurs de remèdes miracles et charlatans »[2]. Ils s'illustrent au milieu des montreurs d'animaux savants ou exotiques, des théâtres d'ombres chinoises et de marionnettes ainsi que des théâtres ambulants, des arracheurs de dents et des démonstrations de phénomènes naturels. Mais on y trouve également des commerces de bouche et des vendeurs de sucreries ainsi que quelques attractions susceptibles de provoquer des sensations fortes !

À Liège, les foires commerciales et aux bestiaux sont implantées sur la Batte, le long de la Meuse. « Les Baraques foraines y étaient (…) de plus en plus nombreuses au point de prendre le pas, vers 1850, sur les échoppes où se vendaient des produits alimentaires et textiles de première nécessité »[3].

En 1859, la foire se scinde en deux parties dont une s'établit sur le Boulevard d'Avroy. Dès 1872, suite à une décision de la Ville de Liège, la foire aux variétés se tient désormais en octobre, et uniquement sur le Boulevard d'Avroy.

L'avènement de la révolution industrielle dans les arts forains

À plus d'un titre, la révolution industrielle influencera, elle-aussi, le monde forain.
Les petits carrousels et manèges destinés aux enfants, activés à la force des bras, évolueront conjointement avec les progrès technologiques permettant de grands changements dans la vie quotidienne en société. Ainsi, la vapeur, puis l'électricité, permettront aux forains de s'adapter et de proposer de nouvelles attractions toujours plus étonnantes ! Parmi les plus célèbres sur la Foire d'Octobre à Liège, citons le « Cake-Walk », la « Roue Joyeuse », le « Château Hanté » ou encore le « Huit Aérien » introduit avant la guerre 14-18. Si ces attractions provoquent des sensations nouvelles, elles sont également plus sécurisées grâce à l'électricité.

Parallèlement, à Liège, l'Administration communale, par l'intermédiaire d'adjudications publiques, se livre à une vente aux enchères des meilleurs emplacements pour les attractions des forains. Les propriétaires de grands carrousels se disputent les meilleurs places en payant le prix fort.
Certaines familles de forains (Xhafflaire, Speckstadt, Opitz, Van Haverbeke, Grünkorn,…) possèdent plusieurs attractions. Celles-ci sont toujours plus grandes, plus puissantes, plus rapides.

Les progrès techniques améliorent sensiblement les moyens de communication. La presse écrite se diversifie ; ses tirages augmentent et elle devient accessible à un lectorat plus large qui découvre également une nouvelle forme de communication : la publicité ! Parallèlement, un décloisonnement de la société ouvre des perspectives plus larges sur le monde extérieur. On s'informe et on se déplace de plus en plus. Les foires aux loisirs se développent indépendamment des foires commerciales et commencent à exister en tant que telles vers la seconde moitié du XIXe siècle. « Désormais, leur but exclusif est d'amuser le public, dans toutes les classes de la société, et de lui procurer, à prix modérés, des plaisirs, des sentiments, des goûts, des bruits et des odeurs qu'il ne trouverait nulle part ailleurs »[4].

Les attractions foraines se sont diversifiées avec le temps et ont suivi l'évolution de la société. La vapeur et l'électricité ont révolutionné la vie de tout un chacun. Les forains en ont tiré le meilleur parti, et pas seulement pour les propriétaires des attractions. Les professionnels des métiers de bouche n'ont cessé d'évoluer dans leur mode de fonctionnement, proposant ainsi un panel de plus en plus large de produits alimentaires consommés sur les champs de foire et répondant à une demande de plus en plus importante, émanant de toutes les couches sociales.

Ainsi, on y trouve d'abord des confiseries (« Les chiques ») et du pain d'épice ainsi que les marrons chauds vendus par quelques vendeurs d'origine italienne. Gaufres, beignets, croustillons, barbe à papa et pommes d'amour deviendront les classiques de la Foire d'Octobre ! Mais la star des friandises reste incontestablement le lacquemant à la liégeoise ; cette gaufrette fourrée et nappée de sirop de sucre candi parfumé à la fleur d'oranger… Et, pour l'anecdote, la frite fut introduite à Liège en 1838 par une foraine d'origine gantoise.

Le passage au siècle suivant amènera bien des changements, qu'ils soient économiques, sociaux et politiques. Il faudra également tenir compte de l'évolution rapide des nouvelles technologies et des avancées scientifiques vulgarisées pour qui souhaite s'en informer. La Foire de Liège accueillera des inventions qui feront mouche auprès d'un public avide de découvertes comme le « cinématographe ». Il rencontra un certain succès avant d'être concurrencé par les salles de cinéma établies de façon permanente[5]. Le monde du spectacle, essentiellement représenté par les théâtres ambulants par le passé, laissera place au « music-hall » également repris par les cirques, alors à leur apogée. Ces derniers (Barnum & Bailey, Rancy, Angelo, Excelsior, etc.) se succéderont à Liège au sein de et en dehors de la foire d'Octobre depuis 1870 jusqu'aux années 1920. Ils occuperont une place importante au sein des activités de loisirs des villes !

J.-M. Stockem, Collaborateur aux Archives générales du Musée de la Vie wallonne.

Légendes

  1. Louis Max, Stand de la ménagerie Amar à la foire d'octobre, Avenue Blonden, 1926.
  2. Jules Martigny, Carrousel Speckstaet, foire d'octobre, 1890.
  3. Joseph-Maurice Remouchamps, Les époux Hervelle et leur jeu de platines, 1916.
  4. Joseph Closson, Marchande d'œufs durs. Fête Saint-Maur, 1926.
  5. Louis Max, La baraque des géants, 1927.
  6. Affiche de la foire de Liège.
  7. Le carrousel salon de Van Hoverbeke.
  8. L'amusement suisse de la famille Maquet, 1922-1923.
  9. Un Athlète sur la Batte, Liège, 1913.
  10. Brassine, Carrousel pour enfant lors d'une fête locale, Wonk, 1937.

[1] Guido Convents, « Du jeu populaire à l'industrie foraine », dans Foires et forains en Wallonie, Liège, Pierre Mardaga éd., 1989, p. 12

[2] Ibidem, p. 5.

3 Ibidem, p. 7.

[4] Ibidem, p. 8

[5] Yves Moreau, « IIIe partie : Le XXe siècle », dans Foires et forains en Wallonie, Liège, Pierre Mardaga éd., 1989, p. 111

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