Musée de la Vie wallonne

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Focus

La crinoline ou ...

Crinoline composée de onze cerceaux d'acier

Une drôle de cage dans la garde-robe féminine du Second Empire !

Découvrons une pièce intrigante conservée dans les collections de textile du Musée de la Vie wallonne. Le rayon lingerie s'y apparente parfois davantage à une salle de torture qu'à un boudoir intime. Gaines, corsets, tournures ou encore de curieuses crinolines y sont entreposés en nombre.

Alors que Napoléon III rétablit le régime impérial en France entre 1852 et 1870, le vêtement féminin se doit de refléter le faste qui le caractérise. C'est dans ce contexte qu'apparait la crinoline, support de jupe utilisé par ces dames pour soutenir l'ampleur du vêtement.

Mais qu'est ce qui a bien pu décider la femme à se laisser enfermer dans cette sous-jupe rigide et encombrante, elle qui s'était débarrassée des imposants paniers de l'Ancien Régime ? En mettant fin à la monarchie et à son train de vie outrancier, la révolution de 1789 l'avait libérée du carcan vestimentaire qui lui donnait l'apparence d'un monument couvert d'un flot de rubans et surmonté d'une coiffure gigantesque. Il faut dire que Versailles poussait les courtisans aux excentricités vestimentaires les plus extrêmes.

Occuper d'avantage de place

Cependant, sous la Restauration qui suit la période révolutionnaire, et surtout à partir de 1850, le vêtement féminin prend toujours plus d'ampleur. Une structure pour soutenir ces mètres de tissus devient nécessaire : la crinoline voit le jour. D'où lui vient ce nom ? Du crin avec lequel elle est originairement fabriquée afin de la rendre rigide. Ce jupon de crin se porte par-dessus une chemise et un pantalon de lingerie. Il est recouvert d'une superposition de plusieurs autres jupons, les uns amidonnés, les autres rigidifiés par des baleines. Imaginez le temps que mettaient ces dames à se vêtir de la sorte. Alors pour simplifier les choses, on remplace ces multiples jupons par une cage composée de cerceaux métalliques de diamètre croissant séparés par des rubans et fixée autour de la taille par un cordon.

Les dérives des progrès techniques

La couture mécanique est alors en pleine expansion. Elle grise les couturières auxquelles le perfectionnement et la vitesse des machines à coudre font tourner la tête en leur offrant l'opportunité d'appliquer sur leurs créations tous les éléments décoratifs possibles. Volants, tresses, galons, franges, drapés apparaissent à profusion, apportant ainsi le maximum de volume à la base des robes. Et la crinoline ne cesse de prendre de l'ampleur. La forme pyramidale de la silhouette est accentuée par le port d'un corset raccourci et échancré sur la poitrine, réduisant la longueur du buste tout en affinant considérablement la taille. La femme se transforme en véritable cône mouvant.

Inconfortable et ridicule

Inutile de dire qu'il est impossible de s'habiller sans l'aide de plusieurs femmes de chambre. Toutes ces dames sont conquises malgré les difficultés qu'occasionne la crinoline pour se déplacer, passer les portes, monter en voiture. Sans oublier les récriminations des messieurs, maintenus à distance par cet accessoire diabolique ! Et ce sont les caricaturistes comme Honoré Daumier qui s'en donnent à cœur joie pour se moquer, transformant la crinoline en tente de camping estivale ou dessinant le mari obligé de choisir la rampe d'escalier pour descendre au côté de son encombrante épouse. En témoigne également la chanson Li crinoline da Mam'zell Fifine évoquant les inconvénients du port de cette dernière.

Sa forme va évoluer. Atteignant le maximum de son envergure en 1858, elle va s'assouplir et s'articuler pour plus de commodité, avant de s'aplatir devant et former une pointe à l'arrière, favorisant le retour des traînes.

Couture et confection

C'est dans ce contexte que se fait connaître celui que l'histoire de la mode considère comme le tout premier couturier, Charles Frédéric Worth. C'est à lui que revient l'idée de préparer une collection à l'avance et d'en présenter les modèles sur des jeunes filles au type physique correspondant à celui de la cliente. L'ancêtre du mannequin est né. Ses créations au décor fantaisiste remportent les faveurs de l'Impératrice Eugénie, ce qui contribue à sa renommée.

La confection en série était, quant à elle, apparue peu de temps avant, sous la Restauration. Moins coûteuse que le sur-mesure et permettant de se procurer des tenues toutes faites dans toutes les tailles, elle répondait aux besoins et aux préoccupations d'une bourgeoisie moyenne en pleine ascension. Elle va contribuer au développement des grands magasins.

Deux pas en avant, trois pas en arrière

Mais si la crinoline connait un succès considérable durant cette période d'une importance capitale pour la mode, c'est qu'elle apparait dans l'atmosphère de fête permanente qui caractérise le Second Empire. Bals, réceptions, spectacles auxquels court une société qui a de l'argent et veux le montrer, se succèdent. C'est dans le cadre de l'éclat exceptionnel de ce régime que les femmes, dont le mari en a les moyens, peuvent laisser libre cours à leur avidité de luxe et de toilettes.

La Révolution avait pour ambition de simplifier les tenues et de gommer les distinctions sociales. Le Second Empire et sa crinoline marquent un fameux retour en arrière.

B.L. Collaboratrice au département Objets-Réserves (textile)

Légendes photos :

1. Crinoline composée de onze cerceaux d'acier, attachés les uns aux autres par des rubans de sergé de coton et fixés à un ruban de taille à nouer par des cordons, 1850

2. Crinoline en toile de coton rigidifiée dans le bas par des cerceaux métalliques, 1850-1860

3. Robe à crinoline en taffetas de soie à carreaux, broché de petites roses, doublée de toile, agrafée à la taille et fermée dans le dos par des boutons, 1850-1860

4. Crinoline composée de treize cerceaux de taille croissante reliés par des rubans verticaux et bordée dans le bas de percale de coton, fabriquée aux Etats-Unis par la maison Thomson, vers 1860

5. Robe à crinoline en taffetas rayé orné de motifs, corsage baleiné posé en pointe sur la jupe, profond décolleté en V couvert de dentelle, manches et encolure garnies d'un ruché de même tissu, vers 1860

6. Portrait de femme en pied, vers 1865

7. Jupon-crinoline en sergé de coton, munie dans le bas de cinq cerceaux d'acier, bordée d'un volant garni de ruché et festonné, 1870

8. Chanson Li crinoline da Mam'zell Fifine évoquant les inconvénients de la robe à crinoline, 19e siècle

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