Musée de la Vie wallonne

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Focus

Le Congrès wallon de 1905

Boutonnière pour le Congrès wallon de 1905.

Une pierre à l’édifice de l’Identité wallonne.

En septembre 1903, la Ligue wallonne de Liège décide d'organiser un Congrès qui s'insérera dans le riche programme de l'Exposition universelle de 1905. Parrainé par le Gouvernement, ce Congrès se déroule du 30 septembre au 2 octobre. Les séances et les débats ont lieu à la Salle académique de l'Université de Liège. Des instants plus informels, prévus à différents endroits, offriront aussi aux congressistes l'occasion de se détendre. Le samedi matin, ils se réunissent à l'Hôtel vénitien avant de se rendre au Cimetière de Sainte-Walburge où une délégation de la Ligue dépose une gerbe sur la tombe des combattants de 1830. Dans l'après-midi, ils découvrent l'Exposition, avant de conclure la journée par une réception au Café vénitien. Le dimanche, après la séance inaugurale à la Salle académique, les participants sont reçus à l'Hôtel de Ville pour une fête mondaine, un « raout » comme on disait à l'époque. Après avoir repris les débats à l'Université, les Congressistes assistent, le soir à une représentation au Théâtre communal wallon.

Le lendemain, après les dernières séances, les participants sont conviés à une visite au Vieux-Liège sur le site de l'Exposition puis la journée se termine par un banquet. Le mardi, les Congressistes sont invités à participer à des excursions proposées par le Comité organisateur. Plusieurs destinations et étapes sont proposées : Visé, Spa, les Grottes de Tilff…

Le Congrès wallon de 1905 marque un nouveau cycle dans les réunions de militants wallons. Les congrès des années 1890 étaient encore marqués par la volonté de se positionner d'un point de vue belge. Il s'agissait de conserver une Belgique unie avec pour seule langue officielle le Français. Pour faire court, il s'agissait d'une vision nostalgique de la Belgique issue des événements de 1830. Une réalité qui était déjà dépassée eu égard aux premières victoires de la Flandre dans les domaines linguistique et culturel.

En 1905, quasiment toutes les interventions tournent autour de la notion de l'identité wallonne. L'attachement à la langue française comme seule langue officielle de la Belgique entraîne les Congressistes à se positionner pour la révision de la loi relative à l'emploi de la langue flamande dans les publications législatives et réglementaires. C'est donc une position d'arrière-garde qui ressemble à un vœu pieux. Julien DELAITE, (Liège, 1868-Liège, 1928) président de la Ligue wallonne de Liège multiplie les « vœux ». Il désire par exemple que les magistrats connaissent la variante du Wallon de la localité où ils sont désignés. Il développe des idées fédéralistes qu'il désigne sous le terme de « séparation administrative ». Delaite −en avance sur son temps− imagine la création de Conseils régionaux en Wallonie et en Flandre et l'établissement d'un Parlement fédéral composé de députés wallons et flamands en nombre égal.

Quelles furent les sujets abordés lors des deux journées ? Plusieurs intervenants présentèrent des rapports sur le « sentiment wallon » dans les arts plastiques, la littérature, l'architecture ou la musique. Il est également question de la création d'une Académie wallonne et même d'un Parc national wallon qui serait établi dans la vallée de l'Amblève. La philologie et les lettres wallonnes, ainsi que les Fédérations qui les promeuvent ne sont pas oubliées. Julien Delaite propose une contribution intitulée : « Le Wallon est-il une langue ? ».

L'intervention qui pourrait nous sembler la plus étrange aujourd'hui est celle de Julien FRAIPONT (Liège, 1857-Liège, 1910), professeur de paléontologie humaine à l'Université de Liège. Féru des théories darwinistes, il s'intéresse depuis la fin du 19e siècle à la dualité ethnique de l'Etat belge. Il condense ses hypothèses racialistes lors du Congrès de 1905 en distinguant deux types.

Selon lui : « Le type flamand est de grande taille ; il a la tête allongée (dolichocéphale), la figure étroite et le nez plus long ; les mâchoires un peu proéminentes, les cheveux, les yeux et la carnation clairs ». Tandis que : « le type wallon est de petite taille, à tête ronde (brachycéphale) ; il a le nez large et court, les yeux foncés, les cheveux châtains, quelques fois noirs ».

Il est évident que ce type discours serait difficilement toléré aujourd'hui mais il était encore très en vogue au début du 20e siècle et il fut encore question dans les années 1950, de différences ethniques. Charles-François BECQUET (Lodelinsart, 1915-Ottignies Louvain-la-Neuve 1987), militant wallon des années 1940 jusqu'à son décès, utilise régulièrement la notion « d'ethnie française d'Europe ».

Le Congrès qui s'est tenu à Liège en 1905 est le plus important du début du 20e siècle, avec celui de 1912 qui intervient au moment où le Mouvement wallon revendique avec force, l'instauration du suffrage universel masculin.

Il s'agit du premier congrès où les orateurs et les participants aux différentes séances se penchent sur la notion « d'identité wallonne ». Cent vingt ans après, qu'en est-t-il ? Certes la Wallonie dispose d'un chant (le Chant des Wallons). D'une fleur symbolique, la gaillarde, dont le nom ressurgit chaque année lors des « Wallos » à Namur, à l'occasion de la remise de la distinction de la Gaillarde d'argent. D'un drapeau, orné du coq hardi peint par Pierre PAULUS en 1912. L'aquarelle originale est d'ailleurs exposée dans le parcours permanent de notre musée. D'une fête qui se déroule, à Namur, dans la capitale wallonne, le 3e week-end de septembre, en référence aux combats des insurgés contre les troupes hollandaises à Bruxelles. Mais à part ces éléments symboliques forgés avant la Grande Guerre, que dire de l'identité wallonne aujourd'hui ? Et bien, pour forcer le trait, nous la cherchons toujours. Si on réalisait un micro trottoir dans les rues de Verviers, de Soignies, de Rochefort, de Bouillon ou de Tubize, en demandant aux passants qu'elle est leur identité sentimentale première, il y a fort à parier que la majorité des passants répondraient qu'il se sentent Belges avant tout. A l'inverse du Nord du pays, où l'identité nationale -et non régionale- est taillée dans le roc et intangible depuis au moins un siècle. A méditer…

Fabrice Meurant-Pailhe

Responsable du Fonds d'Histoire du Mouvement wallon

Orientation bibliographique

  1. Congrès wallon sous le Haut Patronage du Gouvernement. Compte rendu officiel, Liège, 1906.
  2. Encyclopédie du mouvement wallon, 3 t., Charleroi, Institut Jules Destrée, 2000-2001.
  3. Vers une symbolique wallonne, Liège, Fonds d'histoire du Mouvement wallon-Musée de la Vie wallonne, 2006.

Légendes des illustrations

  1. Invitation adressée au Directeur du journal L'Express pour la séance inaugurale du Congrès et pour les moments conviviaux organisés après les séances du 1er et du 2 octobre 1905. MVW-2040922
  2. Programme du Congrès. MVW-2043784
  3. Recto du menu du Banquet organisé le lundi 2 octobre 1905. MVW-2001096
  4. Verso du menu du Banquet organisé le lundi 2 octobre 1950. MVW-2001096
  5. Reçu envoyé à Henri Simon attestant qu'il a versé la somme nécessaire à l'adhésion au Congrès. MVW-2002348
  6. Carte de membre du Congrès délivrée à Jean Haust. MVW-2002348
  7. Boutonnière pour le Congrès wallon de 1905. MVW-2040922
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