Une collection de goût…
Le chromo occupe aujourd'hui une place de choix dans le petit monde du vieux papier. Des milliers de chromos en couleur ont été publiés dans le monde entier et sont très recherchés par les collectionneurs.
En Belgique et en Italie, la plupart des collectionneurs collectionnent les chromos d'une ou plusieurs marques. En France, les collections s'orientent vers des thématiques très variées (opéra, commerce, géographie, littérature, etc.). En Amérique, les très nombreux collectionneurs de ce type d'items sont appelés les « trade cards » !
Il y a toutes les orientations possibles pour commencer une collection : nationale, linguistique, thématique ou numérique. Mais lors de la mise en place d'une collection, il faut bien réfléchir. Si l'on sait que la collection Liebig comprend déjà 11.500 images, et que la collection de « Chocolat Poulain » compte environ 25.000 différents chromos. Il vaut mieux parfois se limiter !
De la lithographie à la chromolithographie …
Sans être une invention proprement moderne, la lithographie n'a pas un passé très lointain, puisque ses premières manifestations ne remontent qu'aux premières années du 19e siècle.
S'il faut en croire la légende, ce serait en transcrivant sur une pierre la mémoire de sa blanchisseuse, qu'un jeune Allemand du nom d'Aloys Senefelder eut la révélation des possibilités de l'impression sur pierre.
La lithographie (du grec lithos « pierre » et graphein « écrire »), c'est donc l'art de dessiner sur la pierre, ou plutôt de reproduire un dessin sur la pierre. Bien entendu, cela n'est pas si simple et il ne suffit pas de dessiner n'importe quoi sur n'importe quelle pierre pour s'improviser lithographe !
La pierre que l'on emploie est un calcaire à grain très fin qui doit être assez dur pour rendre la précision du trait, mais pas trop pour qu'on puisse y travailler facilement. Avant de débuter tout travail, il faut préparer la surface de la pierre. Pour cela, on se sert de poudres abrasives de plus en plus fines que l'on fait agir en frottant deux pierres l'une contre l'autre. Quand les deux surfaces adhèrent parfaitement l'une à l'autre, la surface est prête et il ne reste plus qu'à la terminer à la pierre ponce pour obtenir un poli parfait.
Maintenant, l'artiste peut se mettre au travail. Il utilise un crayon très gras avec lequel il peut dessiner directement sur la pierre. Une fois le dessin terminé, le lithographe enduit toute la surface d'une solution de gomme arabique et d'acide nitrique. On laisse agir, puis on lave abondamment : les surfaces non dessinées ont été attaquées par l'acide et se gorgent d'eau, tandis que celles protégées par le crayon gras restent imperméables. On passe alors un rouleau encreur qui imprègne aisément les parties grasses et épargne les surfaces mouillées. Il ne reste plus qu'à procéder à l'impression sur papier, opération qui s'exécute en posant la pierre couverte du papier sur un chariot que l'ont fait glisser sous un rouleau de bois.
Quand il s'agit d'une lithographie en couleurs, le procédé est le même mais nécessite l'emploi d'encres de différentes couleurs et d'autant de pierres qu'il y a d'encres (jusqu'à 16 couleurs). En outre, les repérages doivent être extrêmement précis pour éviter les décalages. On parle alors de chromolithographie. Ce procédé est long, et donc coûteux. Il a été, par la suite, remplacé par l'impression offset, en quadrichromie.
L'imagerie publicitaire
Dans les années 1850, la révolution industrielle engendre de nouveaux produits qui nécessitent de la « réclame » pour conquérir les marchés naissants. C'est le cas notamment de l'extrait de viande, du lait concentré, du chocolat et de la chicorée.
L'idée de la promotion par la distribution de chromos vient de monsieur Aristide Boucicaut, propriétaire des magasins parisiens « Au Bon Marché ». Il remettait personnellement tous les jeudis aux enfants, accompagnées de leur mère, une image afin de les inciter à retourner au magasin le jeudi prochain.
Confrontés à une forte concurrence, les négociants des grandes villes, distribuent aussi des images pour promouvoir leur commerce et fidéliser leur clientèle. Jusqu'en 1939, la petite image, différente chaque semaine, attire les écoliers désireux d'enrichir l'album réservé à leur précieuse collecte.
Suivant cette ingénieuse idée, les grands magasins de l'époque se lancent dans la création et la réalisation de chromos. Les marques de produits alimentaires ou ménagers leur emboîtent le pas. Ainsi, en un siècle, de 1872 à 1975, la compagnie « Liebig » distribue plus de 2.000 séries d'images. Et les magasins « Au bon Marché » offrent 50 millions de chromos entre 1895 et 1914.
La société Liebig
Liebig, aujourd'hui, c'est une marque française spécialisée dans la fabrication de soupes. Mais le potage n'a pas toujours été le produit phare de la marque. L'origine de « Liebig » remonte à 1847, quand le chimiste allemand Justus von Liebig invente un procédé d'extrait de viande alimentaire : l'Extractum carnis Liebig. Après une multitude d'analyses, Justus von Liebig, avec son associé belge George Christian Giebert, dépose la recette de son extrait de viande. C'est la première fois qu'une garantie de cette sorte est attribuée à un produit industriel !
En 1899, la Liebig's Extract of Meat Company, face à la concurrence et aux contrefaçons, présente la marque OXO, moins chère que l'extrait Liebig dont le coût est considéré comme trop élevé pour les petites gens.
En 1924, la société est rachetée par le Vestey Group. Le nom Liebig est alors attribué à plusieurs produits : les célèbres cubes, certains produits d'épicerie mais aussi des soupes.
Dans les années 1950, les « cubes Liebig » de concentré de viande sont incontournables dans la plupart des ménages de Belgique.
Au fil des années, la marque Liebig sera reprise par différents géants de l'industrie agro-alimentaire. Les cubes devenant propriété de Maille, d'Amora, de Knorr ou de Maggi, n'ont plus la superbe du produit déposé autrefois. Le nom Liebig continue, à ce jour, à être produit par Campbell mais dans le domaine du potage.
Extractum Carnis Liebig
En 1841, Justus von Liebig analyse les substances qui composent la viande. Il en retire sa recette d'extrait de viande qu'il rêve de voir produire au Mexique, pays où des milliers de bœufs sont abattus pour leur cuir et leur graisse mais dont la viande elle-même est jetée. Près de vingt ans plus tard, l'ingénieur belge George Christian Giebert propose à Justus von Liebig la création d'une usine en Uruguay.
Ensemble, ils élaborent la recette. Au départ, la viande finement hachée est portée à ébullition avec 8 à 10 fois son poids d'eau. La solution, débarrassée de l'albumine coagulée pendant la cuisson et de la graisse, est réduite à consistance de sirop brunâtre. À force d'évaporation du liquide superflu à feu doux, le sirop est réduit au sixième de son volume et est amené à une consistance d'extrait. L'extrait est conservé dans des pots en grès vernissé bouchés avec soin.
En 1864, la première cargaison est expédiée par le port d'Anvers qui abrite la direction générale et le centre de distribution du produit. La Liebig's Extract of Meat Company est créée et lance sur le marché son fameux Extractum Carnis Liebig.
La production s'accompagne d'une campagne publicitaire moderne avec des affiches, des calendriers et une large distribution de chromos.
Les chromos Liebig : un support publicitaire et une magnifique encyclopédie !
Les premières cartes publicitaires à collectionner ont été publiées en 1872. Pendant plus d'un siècle, près de 2.000 séries ont été imprimées. Les chromos d'origine, purement publicitaires, sont devenues au fil des années plus pédagogiques et plus éducatives : elles couvrent presque tous les domaines de la connaissance. Cette collection universelle distribuée dans plusieurs pays d'Europe et traduite en plusieurs langues se termine en Italie en 1975.
Les séries de chromos Liebig, imprimées par procédé lithographique utilisant jusqu'à 12 couleurs sont généralement constituées de 6 cartes. Au début, les commerçants n'offraient aux caisses qu'un seul chromo par achat. Les autres images de la même série étaient gardées pour la prochaine visite du client ! À partir de 1939, on échangeait des coupons contre les séries complètes.
Au dos des chromos se trouvent des textes publicitaires tels que :
Les collections de chromos Liebig sont impressionnantes et passionnent toujours au 21e siècle. Plusieurs catalogues ont été rédigés et reprennent un tableau de conversion commun qui permet aux collectionneurs de retrouver le numéro d'une série en fonction de son pays de distribution.
Chez le particulier ou conservées dans notre musée, les chromos interpellent par leur diversité, ils amusent par leur contenu et surtout, ils fascinent toujours autant les petits et les grands !
Un récolement de nos chromolithographies et albums de chromos est en cours et consultable depuis notre catalogue en ligne : http://collections.viewallonne.be
Manon Collignon, Responsable de la collection objets et des réserves du Musée de la Vie wallonne.
Légendes :