ou les illustrations didactiques d'André Mathy
Récemment, les collections du Musée de la Vie wallonne se sont enrichies d'un important don de M. Jean Moors. Il s'agit d'une collection patiemment constituée depuis 1986 et consacrée à l'illustrateur André Mathy (1850-1932).
Voici l'occasion de mettre un coup de projecteur sur la vie et l'œuvre de cet artiste mal connu, originaire de Hollogne-aux-Pierres, dont le Musée de la Vie wallonne conservait déjà quelques œuvres.
Un destin pris en main
À l'âge de 12 ans, ce jeune garçon, suivant les traces paternelles, travaille déjà à la mine et suit des cours du soir. Son don inné pour le dessin lui permet cependant d'échapper à une vie professionnelle déjà toute tracée. Rapidement repéré par son instituteur, il est admis à un cours de dessin pourtant réservé aux enseignants. En 1866, il entre à l'Académie des Beaux-Arts de Liège dont les locaux sont situés en Féronstrée. Durant les neuf années que durera sa formation, il parcourra chaque jour à pied les quelques quinze kilomètres entre son domicile et l'académie. Travailleur acharné, il se distingue aux cours de peinture et de composition historique où il côtoie Adrien de Witte et Léon Philippet.
Une carrière discrète
Dès 1871, ses tableaux de genre et scènes champêtres, soignés et minutieusement documentés, sont remarqués à travers différentes expositions en Belgique notamment à Bruxelles, Liège, Namur, Spa et Anvers. Ce conteur d'histoires transpose alors son univers au charme suranné dans l'illustration, l'imagerie populaire où son sens de l'imagination, de l'organisation, son souci d'exactitude font mouche. Il devient le collaborateur privilégié de la maison d'édition liégeoise Dessain, spécialisée notamment dans le matériel didactique scolaire. En quête de renouvellement technique, la maison Dessain acquiert le brevet d'un nouveau procédé d'impression – la phototypie – mis au point par un photographe autrichien J. C. Hösch. André Mathy se rend vers 1891-92 à Vienne afin de se familiariser à toutes les subtilités de cette méthode qui rend brillance, éclat et finesse aux gravures en couleurs.
En 1900, André Mathy installe avec ses fils son propre atelier de photogravure rue Henri Maus à Liège. Ils collaborent avec la maison d'édition Casterman de Tournai pour l'illustration de nouvelles éditions, de séries et de collections mais également avec la société d'édition Wesmael-Charlier à Namur.
Après la Première Guerre mondiale, André Mathy retourne à ses pinceaux et traduit par ce médium les faits de guerre – invasion, occupation, déportation – dont il a été le témoin mais aussi des scènes rustiques qui l'ont toujours inspiré.
Le pouvoir de l'image
Grâce à notre donateur, le Musée de la Vie wallonne complète sa collection de panneaux didactiques bilingues présentant l'histoire de la Belgique en 24 scènes et introduit un autre aspect de la production de Mathy : les planches moralisatrices. Par les biais d'un héros – le petit Jean ou la petite Marie – l'école va insuffler aux élèves des valeurs universelles telles la charité, le respect, la probité, l'altruisme, le devoir, l'amour parental. Jean et Marie, présentés comme des modèles à suivre, portent systématiquement des bas rayés qui les distinguent de leurs camarades. Pour les écoles communales, le décor reste neutre tandis que pour les écoles catholiques, les emblèmes chrétiens apparaissent dans les saynètes présentées dans l'intimité des familles. Les illustrations d'André Mathy sont reproduites également sur les couvertures des cahiers de devoirs, dans les livres de lecture, de catéchisme et les missels.
Le matériel didactique, composé essentiellement d'affiches ou de panneaux muraux, permettait aux enseignants d'illustrer leurs cours. Dès 1883, la méthode pédagogique préconise de diminuer le rôle actif du maître et d'augmenter celui des élèves. Les panneaux éducatifs vont focaliser l'attention des écoliers sur un même support afin de favoriser l'éveil aux nouvelles matières et le travail en commun. La salle de classe de la fin du 19e siècle subit une incroyable évolution avec l'introduction progressive de matériel et d'objets scolaires qui intègrent l'espace et restent exposés de façon permanente ; cela correspond au renouvellement des méthodes d'apprentissage.
À une époque où l'audiovisuel n'avait pas encore envahi nos vies et nos foyers, ces panneaux didactiques qui semblent aujourd'hui bien désuets, donnaient aux enfants une ouverture sur le monde propice à nourrir leur imaginaire !
L'ensemble des illustrations d'André Mathy est consultable depuis notre catalogue en ligne : http://collections.viewallonne.be
Nadine de Rassenfosse, Collaboratrice au département Objets-Réserves (section œuvres d'art).
Bibliographie : Jean MOORS, « André Mathy, peintre, illustrateur, artiste » dans Cahiers de la Commission historique de Grâce Hollogne, n°7, 2003.
Légendes :
1. Jean est serviable panneau didactique moralisateur, vers 1898. (détail)
2. Charlemagne (742-814), panneau didactique historique, fin du 19e siècle.
3. Charles-Quint, quittant les Pays-Bas, s'embarque pour l'Espagne, panneau didactique historique, fin du 19e siècle.
4. Prestation de serment de Léopold II, panneau didactique historique, fin du 19e siècle.
5. et 6. Le dimanche du tempérant – le dimanche de l'ivrogne, illustration de cahier de classe à vertu moralisatrice,
7. d'Estelle Jacques, Dans les forêts d'Amérique ou le trappeur, éditions Casterman, Tournai, vers 1930, illustration d'André Mathy.
8. d'Estelle Jacques, Voyage au pays des glaces, collection Iris, éditions Casterman, Tournai, vers 1900, illustration d'André Mathy.
9. Jean est serviable, panneau didactique moralisateur, vers 1898.
10. Soyons charitables, panneau didactique moralisateur, vers 1906.
11. Marque de l'atelier de photogravure Mathy.
12. L'orage, huile sur toile, 1918.
13. Kemma Georges, La classe d'histoire naturelle, Athénée royal de Liège, 1909.