Musée de la Vie wallonne

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Focus

Le métier de fourreur … un artisanat controversé ?

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Vraie fourrure … pour ou contre

Cette année, le Musée de la Vie wallonne a reçu en don l'outillage, le matériel et les accessoires appartenant à deux sœurs ayant exercé le métier de fourreur jusque dans les années 1970. Elles avaient l'habitude de définir leur travail d'artisan en récitant cette comptine :

« Ton épingle tu ne perdras point

Le sens du poil tu respecteras

En simple épaisseur tu travailleras

Le poil tu ne couperas pas

De larges points tu utiliseras

La fourrure tu libèreras ».

Le métier de fourreur, un artisanat qui se perd.

Le fourreur fabrique des pièces en fourrure, les transforme et les répare. Lorsqu'il acquiert les peaux, elles sont déjà préparées par le pelletier[1] et l'apprêteur[2].

Selon le type de peau, le travail du fourreur est différent mais il suit toujours les mêmes étapes. L'artisan commence par le dressage. La peau est tout d'abord mouillée et étirée pour évaluer sa taille ainsi que le nombre de peaux nécessaires à la confection d'un vêtement. Cette étape permet également de corriger les défauts du poil. Les peaux sont ensuite classées en fonction de leur teinte pour assurer l'homogénéité du futur produit. Les peaux sont une nouvelle fois mouillées et tendues au maximum lors de l'étape du clouage. Comme le nom l'indique, elles sont accrochées sur planches à l'aide de clous et laissées à sécher. Le séchage assure aux peaux une rigidité qui permet au fourreur de lui donner une forme. Vient enfin l'étape de la coupe et de la couture. Il existe deux coupes possibles, le travail en pleine peau et l'allonge. Pour la première coupe, les peaux sont assemblées et cousues bout à bout pour faire la surface du vêtement. Les jointures sont découpées selon un gabarit. Pour l'allonge, les peaux sont coupées en lamelles en forme de V cousues les unes aux autres en décalage.

Le produit en fourrure, son histoire.

Depuis les temps préhistoriques, la fourrure est utilisée dans l'habillement et la décoration. Ce fut le premier vêtement des hommes, toujours utilisé dans l'Antiquité en Égypte et en Grèce. Au Moyen Âge, la fourrure est toujours nécessaire dans l'habillement, pourtant elle devient un luxe. Son commerce et son exploitation sont très réglementés. Seules les familles royales sont autorisées à en porter sans grandes contraintes. C'est ainsi que la fourrure devient le symbole d'un rang social élevé. Malgré cela, le marché de la fourrure augmente fortement aux 18e siècle et 19e siècles. La Révolution industrielle créant de nouvelles richesses, la fourrure redevient un objet de mode et pas seulement de luxe. Elle entre plus spécifiquement dans la garde-robe féminine. Les techniques de découpes et de modélisme se modernisent mais le métier de fourreur reste un artisanat complexe et coûteux. Vers les années 1950, la fausse fourrure fait son apparition, en réaction au prix exorbitant de la vraie fourrure. Dans les années 1970, la fourrure synthétique gagne réellement en popularité, en même temps que les mouvements des droits des animaux.

La fourrure, un sujet qui déchaîne les passions.

Depuis les débuts de l'humanité, la fourrure est portée par l'homme en raison de ses nombreux avantages. Mais aujourd'hui, les considérations éthiques, la défense des droits des animaux et de nouvelles alternatives font que l'on remet encore plus en question cette pratique.

Alors, pour ou contre le port de la fourrure ? Essayons d'en débattre, tout en demeurant dans le respect.

Son histoire nous montre que les peaux d'animaux furent les premiers vêtements de l'homme ; la fourrure a également toujours eu une valeur économique importante, puisqu'elle servait autrefois de monnaie d'échange ; la fourrure était associée à la distinction classe sociale, d'abord réservée aux nobles et aux gens très fortunés, elle est devenue prisée des classes moyennes grâce au symbole d'opulence qu'elle représentait. Aujourd'hui, il existe toujours des endroits où l'on porte la fourrure pratiquement quotidiennement en hiver sans vraiment se poser de questions, par exemple en Russie ou dans la très aristocratique ville de Vienne.

Pour s'assurer d'adopter une opinion plus objective, voici un résumé des arguments des deux parties du débat éthique qu'engendre le port de la fourrure.

Du côté des détracteurs, Christy Griffin, porte-parole de l'association In Defense of Animals nous considère [3] : « La fourrure est l'une des industries les plus cruellement flagrantes dans le monde. À chaque année, plus de 50 millions d'animaux sont tués pour leur fourrure sur la planète. 85% de ces animaux proviennent de fermes d'élevage de fourrure lugubres et passent toute leur courte vie dans des cages de métal, pour finir par être tués de manière horrifiante ».

Par contre, l'Institut de la fourrure du Canada nous dit[4] : « Le commerce de la fourrure rapporte plus de 800 millions de dollars à l'économie canadienne, avec ses 85% de vêtements en fourrure fabriqués à Montréal. L'industrie est très réglementée et très respectueuse, en ce qui a trait aux animaux en voie d'extinction et au respect de la faune. Des biologistes participent à la gestion des territoires de piégeage. Les techniques de piégeage correspondent à des normes internationales sans cruauté. L'abattage de l'animal est également contrôlé et s'effectue habituellement par asphyxie au monoxyde de carbone, par électrocution ou par empoisonnement. Dans les pays moins réglementés comme la Chine, des chats et des chiens participent au commerce de la fourrure. Certains animaux sont écorchés pendant qu'ils sont encore vivants, pour s'assurer d'obtenir la plus belle peau possible. »

Quand la fausse fourrure ressemble à la vraie ?

Les produits en fourrure synthétique se sont raffinés avec les années et se rapprochent grandement de la fourrure véritable. Il y a de très belles fausses fourrures aujourd'hui, celles-ci sont bien moins coûteuses que la vraie n'implique aucune cruauté envers les animaux ! Mais rien n'est parfait et il existe des problèmes liés à la fourrure synthétique : elle n'est pas isolante et ne permet donc pas de garder au chaud ; elle est fabriquée à partir de dérivés du pétrole, ce qui la rend moins durable au point de vue environnemental. Un vêtement ou un accessoire en fausse fourrure est moins résistant et ne se conservera probablement pas des années.

Une deuxième vie pour les vraies fourrures ? Un aspect plus positif !

Donner une deuxième vie aux vêtements fait aujourd'hui partie de nos pratiques courantes. Les vêtements en fourrure de qualité sont très durables. Biens conservés, certains types de fourrure peuvent être encore en excellent état après 50, 75 ou même 100 ans. La fourrure n'a pas son pareil pour tenir parfaitement au chaud. On peut se dire que si les animaux ont déjà été tués, le matériau est disponible et recyclable ou réutilisable. Pour toutes ces raisons, la fourrure existante est un textile de choix qui se prête bien à être réinventé. Le manteau long de votre grand-mère peut devenir une veste plus courte, une toque ou des cache-oreilles! Certaines personnes se demandent s'il est éthique de porter une fourrure même recyclée. Il s'agit d'un choix tout à fait personnel.

Alors, oui ou non au port de la fourrure?

En conclusion, mieux vaut probablement se tourner vers la fourrure synthétique ou la fourrure recyclée si cette dernière s'inscrit dans nos valeurs. Il existe encore beaucoup de belles fourrures anciennes sur le marché qui, réutilisées, s'inscrivent dans une démarche durable pour l'environnement, évitant de cette façon la production de nouveaux vêtements.

L'ensemble des items relatifs au fourreur et des outils du métier de pelletier-fourreur sont consultables depuis notre catalogue en ligne : http://collections.viewallonne.be

[1] Le pelletier est un artisan qui pratique le travail de diverses peaux d'animaux, pour le cuir ou la fourrure.

[2] L'apprêt ou finition, dans le travail de la fourrure, correspond aux différents traitements de finition qui permettent de donner au produit son aspect final.

[3] https://www.collectorsweekly.com/articles/should-you-feel-guilty-about-wearing-vintage-fur/

[4] https://fur.ca/fr/commerce/au-sujet-du-commerce-de-la-fourrure-du-canada-faits-et-chiffres

Manon Collignon – Responsable de la collection objets et des réserves du Musée de la Vie wallonne.

Légende des illustrations :

1. Machine à coudre à pédale de la marque Allbook & Hashfield pour fourreur, vers 1930

2. Gravure représentant une dame habillée de fourrure dans le style "Belle Époque" entre 1897 à 1909, imprimée vers 1914

3. Buste de mannequin rembourré ayant servi à la confection de manteau de fourrure, vers 1965

4. Machine à coudre électrique de la marque Allbook & Hashfield pour fourreur, vers 1960

5. Manteau pour dame en astracan gris, provenant de la maison "Le fourreur R. Palante" à Liège, travail réalisé par Mme Christiane Van Coppenolle en 1975

6. Ensemble de morceaux de fourrure servant à la fabrication de vêtement en fourrure ; préparation des peaux par Mme Christiane Van Coppenolle en 1970.

7. Ensemble de trois outils (pince et crochet) de fourreur servant à la fabrication de vêtement en fourrure, vers 1970

8. Écharpe en fourrure pour dame, composée de deux hermines entières, travail réalisé par Mme Christiane Van Coppenolle en 1975

9. Matériel de couture utilisé par un fourreur lors de la fabrication de vêtement en fourrure. Ce matériel comprend des bobines de fil, des aiguilles, des épingles, des passe-fils, un mètre ruban, vers 1970

10. Écharpe en fourrure pour dame, travail réalisé par Mme Christiane Van Coppenolle en 1975

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